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18
Avr

Les cisides mycophages de montagne et leurs hôtes

Les cisides forment une petite famille d’insectes mangeurs de champignons, dénommée Ciidae, au sein du vaste ordre des Coléoptères. Faisant parti du groupe des organismes saproxyliques (dépendants du bois mort), ils se sont spécialisés, au grès des phénomènes de spéciations, dans l’exploitation des champignons lignicoles avec un degré de sténoécie variable selon le phylum considéré (Orledge & Reynolds, 2005). Ainsi, un petit nombre d’espèces reste polyphage sur une grande diversité de champignons comme Ennearthron cornutum tandis que la majorité de la famille est oligophage ou inféodée à un seul type de support comme Orthocis lucasi sur Schizophyllum commune. Ce groupe n’est connu que par un petit nombre de spécialistes car la plupart des insectes mesurent entre 1 et 4mm, passant inaperçus cachés dans leur abri.

Les champignons lignicoles colonisés (comprenant les polypores et les corticiés) disposent d’un arsenal de substances chimiques leur permettant de se défendre contre les intrus. La densité et la diversité de toxines libérées sont dépendantes de l’âge du spécimen fongique avec une plus forte quantité de produits chez les jeunes sujets (Komonen & Kouki, 2005). Une sélection est ainsi exercée sur les différentes espèces de cisides, expliquant pourquoi les espèces spécifiques d’un champignon sont généralement pionnières, mieux résistantes aux composés chimiques du mycète en question alors que les espèces polyphages apparaissent sur une plus large gamme de support mais sur des individus plus âgées, contournant ainsi les défenses chimiques (Jonsell & Nordlander, 2004). De plus, ces coléoptères sont plus ou moins capables de voler loin selon leur affinité à des habitats dont la périodicité d’apparition est imprévisible comme le cas des champignons annuels (Kukor & Martin, 1987).

Octotemnus mandibularis, oligophage sur un Trametes gibbosa frais

Durant un suivi scientifique dans divers sites montagneux de l’Isère, il a été question de savoir quelle était le type de communauté de Ciidae dominante et comment se structuraient ces cortèges selon les principales espèces de champignons présentes dans les milieux en tenant compte de la taille et de l’âge des supports. La fonge expertisée intègre trois genres abondants comprenant Fomes fomentarius (sur feuillus), Trametes versicolor & T. gibbosa (feuillus), Fomitopsis pinicola (surtout sur résineux) et d’autres moins fréquents durant cette étude comme Schizophyllum commune (Feuillus), Ganoderma lucidum (Feuillus) ou Funalia gallica (Fraxinus spp.).

Les coléoptères ont été identifiées à l’espèce et inscrit dans une base de données. Pour mieux comprendre comment les cisides se répartissent selon l’âge, la taille et le genre taxonomique des champignons fréquentés, une analyse canonique des correspondances (CCA) a été utilisée à l’aide du logiciel R v3.5 (R Core Team, 2020). Elle permet d’étudier la variation des abondances d’insectes en fonction des variables écologiques mesurées (taille, âge du champignon) sur un graphique multidimensionnel (ici en 2 dimensions). L’âge de chaque basidiome (partie sexuée du basidiomycète) a été évalué à l’aide de critères visuels suivant les recommandation de Schigel et al. (2004)

CCA des communautés de Ciidae rencontrées selon la taille, le degré décomposition et le genre de champignons

cca

Les principaux assemblages détectés sont bien distincts selon le genre du champignon. Aussi, il a été analysé que la biodiversité et l’abondance en cisides sont positivement corrélées avec la taille et la décomposition des basidiomes. Ces résultats corroborent ceux observés par Komonen & Kouki (2005) et Komonen (2006). Les groupes se composent de :

– Un groupe sur Trametes spp. avec : Octotemnus mandibularis, Sulcacis nitidus, Cis micans, Cis boleti et Cis fissicornis.

– Un groupe sur Fomes fomentarius & Fomitopsis pinicola avec : Cis castaneus, Cis dentatus et Cis jacquemartii.

– Un groupe sur les corticiés Stereum rugosum & S. gausapatum avec : Cis festivus et Cis pygmaeus.

Orthocis lucasi seul, inféodé à Schizophyllum commune et des espèces inversement polyphages comme Ennearthron cornutum sur plusieurs supports fongiques.

– Un groupe lié à Funalia (Trametella) spp. avec : Ropalodontus novorossicus et Sulcasis fronticornis.

Cette expertise a montré que des groupe de Ciidae exploitent des champignons qu’ils sélectionnent au préalable. La tendance observée concerne les relations phylogénétiques existantes entre un genre taxonomique de coléoptère et un genre de champignon colonisé. Les processus évolutifs passés montrent que des groupes de coléoptères proches d’un point de vue parenté se sont diversifiés d’abord sur un groupe spécifique de champignon (cf. le genre Octotemnus sur le groupe des Trametes) ce qui aide à comprendre comment une partie de la communauté se structure dans le milieu naturel. Aussi, des facteurs écologiques influent sur le succès de colonisation de certaines espèces comme la taille, l’âge du basidiome (chute des substances chimiques défensives avec la décomposition) et la dynamique d’apparition des polypore et corticiés dans l’espace et dans le temps (Schigel et al. 2006). La taille du basidiome augmente l’espace disponible pour les insectes et le nombre de micro-habitats potentiels sachant que les coexistences interspécifiques de coléoptères peuvent se faire notamment grâce aux différences de consistance de chaire du basidiome (Thorn et al. 2015). Ainsi, les communautés fongivores peuvent se structurer spatialement au sein d’un même champignon.

Ce type d’expertise scientifique permet également de découvrir des espèces rares et patrimoniales à l’échelle de Rhône-Alpes et de la France comme Octemnus mandibularis, Cis dentatus ou Cis fissicornis.

Bibliographie

Jonsell, M., & Nordlander, G. (2004). Host selection patterns in insects breeding in bracket fungi. Ecological Entomology, 29(6), 697-705.

Komonen, A., & Kouki, J. (2005). Occurrence and abundance of fungus–dwelling beetles (Ciidae) in boreal forests and clearcuts: habitat associations at two spatial scales. Animal biodiversity and Conservation, 28(2), 137-147.

Komonen, A. (2006). Local spatial pattern of two specialist beetle species (Ciidae) in the fruiting bodies of Fomitopsis pinicola. Ecoscience, 13(3), 372-377.

Kukor, J. J. & Martin, M.M. (1987). Nutritional ecology of fungus-feeding arthropods. Nutritional ecology of insects, mites, spiders, and related invertebrates, 791-814.

Orledge, G. M., & Reynolds, S. E. (2005). Fungivore host‐use groups from cluster analysis: Patterns of utilisation of fungal fruiting bodies by ciid beetles. Ecological Entomology, 30(6), 620-641.

R Development Core Team (2020). R: A language and environment for statistical computing. R Foundation for Statistical Computing, Vienna, Austria. ISBN 3-900051-07-0, URL: http://www.R-project.org.

Schigel, D. S., Niemelä, T. U. O. M. O., Similä, M., Kinnunen, J., & Manninen, O. (2004). Polypores and associated beetles of the North Karelian Biosphere Reserve, eastern Finland. Karstenia, 44, 35-56.

Schigel, D. S., Kinnunen, J., & Niemelä, T. (2006). Polypores of western Finnish Lapland and seasonal dynamics of polypore beetles. Soc. Mycologica Fennica.

Thorn, S., Müller, J., Bässler, C., Gminder, A., Brandl, R., & Heibl, C. (2015). Host abundance, durability, basidiome form and phylogenetic isolation determine fungivore species richness. Biological journal of the Linnean Society, 114(3), 699-708.

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