Carie rouge des résineux secs d’altitude

Dans des conditions particulières d’altitude, il est possible de rencontrer des chablis de résineux mort en plein soleil, sans écorce et d’un aspect grisé. Lorsque les arbres sont exposés sur un sol drainant (pente) ou filtrant comme une texture sableuse ou du karst (ex : Préalpes calcaires), ce contexte accentue l’effet de dessication autour de l’arbre tombé au sol, contraignant ainsi l’activité biologique in situ. Ces conditions environnementales particulières filtrent les organismes capables de vivre à l’intérieur, notamment les champignons décomposant le bois mort.

Les espèces spécialisées restantes font partie d’un cortège utilisant une formidable propriété du bois, par laquelle le support ligneux peut conserver plus d’humidité que n’importe quel autre substrat à proximité (litière, dépression). Ce cortège fongique se nourrit principalement de cellulose laissant la lignine en place et donnant au bois un aspect particulier de couleur rouge avec des formes cubiques, dénommée la carie rouge (Fig. 1).

Les conifères ont globalement une structure chimique plus complexe à dégrader que les feuillus, notamment à cause des liaisons entre polymères de lignine enzymatiquement plus complexes à rompre (Faix et al. 1985). De plus, les principaux champignons saproxyliques (décomposeurs du bois morts) responsables de la carie rouge ont la faculté d’émettre certaines substances comme l’acide oxalique baissant ainsi le pH localement et produisant un milieu plus acide (Humar et al. 2001). Les paramètres écologiques associés à ce micro-habitat ont forcé les autres champignons dans la succession à s’adapter pour survivre. Les sites naturels découverts se trouvent majoritairement en montagne (Vercors et Chartreuse) ajoutant des contraintes environnementales supplémentaires. L’essentiel de la fonge rencontrée comporte un lot d’espèces boréo-alpines, se servant de ces milieux comme refuge. C’est pourquoi il est possible de découvrir une communauté fongique spéciale avec certaines espèces méconnues, rares, potentiellement indicatrices de forêts à caractère naturel et malheureusement vulnérables au changement climatique, surement en voie de disparition.

Parmi l’ensemble des espèces lignicoles rencontrées sur ce substrat si particulier, certaines sont probablement inféodées à la carie rouge de résineux. Il est possible que plusieurs de ces champignons soient caractéristiques de cet habitat temporellement long à apparaître et donc spécifiques d’un milieu qui a été historiquement peu remanié par l’Homme. Grâce aux expertises mycologiques réalisées en altitude, il sera empiriquement possible d’améliorer les connaissances scientifiques sur ces groupes patrimoniaux et de mieux délimiter les espèces potentiellement bio-indicatrices d’un fort degré de naturalité présent dans les milieux montagnards étudiés.

Bibliographie :

Faix, O., Mozuch, M. D., & Kirk, T. K. (1985). Degradation of gymnosperm (guaiacyl) vs. angiosperm (syringyl/guaiacyl) lignins by Phanerochaete chrysosporium. Holzforschung-International Journal of the Biology, Chemistry, Physics and Technology of Wood, 39(4), 203-208.

Humar, M., Petrič, M., & Pohleven, F. (2001). Changes of the pH value of impregnated wood during exposure to wood-rotting fungi. Holz als Roh-und Werkstoff, 59(4), 288-293.